Et une effraction supplémentaire. Ce soir, j'avais décidé d'attaquer quelqu'un des quartiers pauvres. Cet homme, cela faisait bien une semaine que je le traquais, que je l'observais, que j'identifiais ses faiblesses, que je trouve son domicile. Tout ça sans attirer l'attention. Ce soir, c'était LE soir. Celui où il perdrait la vie. De ce que j'avais vu de lui, il ne connaissait pas grand monde, vivant seul, sans même un animal de compagnie. La cible parfaite, étant donné son peu de relations, les inquiétudes se feront plus rares. Sur ce coup, j'étais sûre de moi. J'avais eu le temps d'imaginer plusieurs scénarios, plusieurs possibilités: soit je l'attendais chez lui, comme j'avais fait pour me venger, soit je le prenais en filature sans rentrer par effraction. Finalement j'avais privilégié la première option. Pas de cagoule pour moi, je ne voulais pas attirer l'attention des voisins, une cagoule c'est pas discret, et quiconque me verrait avec ça saurait que je prépare un mauvais coup.

J'étais donc arrivée devant la maison désignée. Je n'avais pas effectué de reconnaissance afin de ne pas paraître suspecte, donc il faudrait que je trouve un moyen de rentrer. La nuit était tombée, j'étais sombrement vêtue, j'étais donc difficilement distinguable et pouvais me mouvoir librement. Finalement, je rentrerais par la porte d'entrée. Regardant à gauche, à droite, je pus constater qu'il n'y avait personne dans la rue. Je pouvais donc me permettre de crocheter la serrure, avant d'entrer.

Une fois à l'intérieur, je n'allumais pas la lumière, m'éclairant simplement avec mon téléphone portable. Je portais des gants, évidemment, afin de ne pas laisser de traces digitales. mes semelles de chaussures étaient également lisses, que personne ne puisse me retrouver sur mes empruntes de pieds si jamais je venais à en laisser. Mais l'homme ne semblait pas déterminé à rentrer, alors, par ennui, je commençais un peu à explorer la maison. Il n'y avait pas grand chose, il n'était pas très riche, mais il était visiblement parti sans son portefeuille, puisque celui-ci se trouvait sur le bureau, à portée immédiate. Curieuse, je m'en saisis avant de fouiller à l'intérieur. pas grand chose, à part quelques billets qui terminèrent dans ma poche. Ce fut à ce moment là que j'entendis la porte s'ouvrir. A ce moment là, je savais que je devais me cacher. Il ne me remarqua pas et fila directement devant la télévision. Discrètement, je passais dans la cuisine, tout en faisant attention à ne pas faire de bruit. pour pas qu'il ne m'intercepte. A ce moment là, je pris une pomme, et croquai dedans. Là, j'avais eu une idée, mais ça impliquait que je ne reste pas dans son ombre. De façon nonchalante, je m'appuyai sur le chambranle de la porte, et, tout en reprenant une bouchée, j'ouvris la parole.

- C'est sympa ici !

L'homme sursauta et put me voir, mâchant un morceau de ma pomme, et un sourire narquois aux lèvres.

- Juste un conseil, ne bougez pas.

Je m'avançais vers lui, sans arme, confiante. J'étais sûre de mes forces, et je savais que cet homme, lui, n'était pas du genre violent, ni confiant. J'avais le dessus, mentalement parlant, car je pouvais faire des choses que lui ne ferait jamais. Du moins, c'était le profil que j'avais établi cette semaine. Alors qu'il me demanda ce que je faisais là, menaçant d'appeler la police, une fois assez proche, je l'agrippai pour lui mettre une balayette, le projetant au sol, avant de mettre mon pied sur sa gorge.

- Je pourrais en finir là, maintenant, mais ça ne serait pas drôle.

Je n'avais pas l'avantage physique, mais le mental et la technique étaient dans mon camp.

- Vous savez, j'aime bien parfois, disons étudier le corps humain, particulièrement...

En accompagnant mes paroles, je sortis un couteau suisse. Je le forçai ensuite à se lever puis se rasseoir sur le canapé.

-... Sur des sujets vivants.

Je pourrais me contenter de l'égorger, ici et maintenant, mais il était vrai que j'avais encore pas mal de choses à apprendre. Quand je parlais de trouver de nouvelles méthodes, il fallait que je découvre quelles sont vraiment les faiblesses du corps humain, où faut-il frapper pour faire mal. Mon couteau effleura longuement la veine carotide, sans provoquer de saignement pour l'instant, pour descendre lentement vers le bas du cou et le torse. La soirée ne faisait que commencer...

J'étais bien partie pour faire de cet homme mon cobaye. Dit comme ça, ça pouvait avoir l'air assez terrifiant, mais il fallait bien que je modifie mes tactiques, sans quoi je risquais d'être identifiée par la police. Il en était hors de question, donc mon mode opératoire devait changer, s'adapter. Ce soir, ce pauvre homme allait subir la loi de ma "science". J'étais froide, déterminée, rien ne pourrait m'empêcher de venir à bout de cette personne. Rien ? Vraiment ? Alors que j'étais en train d'observer ma victime sous tous les angles, glissant mon couteau de part et d'autres de son corps, mon téléphone vibra dans ma poche.

- Deux petites secondes, après je suis tout à toi. Enfin... TU seras tout à moi.

Je sortis mon appareil pour voir qui venait de m'envoyer un message. Et là... C'était quelque chose que je ne pouvais pas ignorer. Zach. Mon meilleur ami depuis la primaire. Il avait besoin de moi et était en route vers ma position. Je me mordis alors la lèvre, je ne pouvais pas accepter qu'il me trouve ici, comme ça. Malheureusement j'allais devoir abréger ma séance. Je lui répondis donc. Nous avions installé cette application qui nous permettait de savoir où l'un ou l'autre était. J'allumai cette application. Il n'était pas loin, il fallait que je me dépêche, sinon il risquerait de trouver ça louche, mais pouvait-il imaginer ce que j'était réellement ?

"- Je te rejoins, ne bouge pas !"

Je rangeais mon téléphone dans la poche de ma veste, avant de me concentrer à nouveau mais brièvement sur ma victime.

- Fin de la séance !

D'un geste rapide et précis, je lui tranchai la gorge. Un geste assez rapide, sans hésitation. Je repliai alors mon couteau suisse et le rangeais, avant de partir par la porte de devant, en prenant soin d'éteindre la lumière. Maintenant, je pris la direction de la localisation de Zachary. L'application était bien utile, mais présentait un risque pour moi. Comme à cet instant, où je fus tiraillée entre ma victime et mon meilleur ami. Il devait se poser quelques questions, à commencer par le pourquoi étais-je ici. Mains dans les poches, je pus le trouver sur les marches d'un commerce, patientant. Là, ce n'était plus "Bloody Mary", mais la Mary normale, qui rejoignait le jeune homme. Bien évidemment "Bloody Mary" n'était pas mon sobriquet attribué par les autorités, qui n'avaient même pas conscience que cette tueuse en série s'appelait Mary, c'était simplement un jeu de mot de ma part. J'ignorais absolument si j'avais même un "pseudo" de tueuse en série. En tout cas, me voilà près de Zachary.

- Zach ! Ton message semblait urgent, je suis venue dès que j'ai pu !

Je m'étais réellement dépêchée, mais je n'avais pas de voiture, je n'avais donc pas pu être là en quelques minutes, mais le fait qu'il ait attendu près de ce commerce m'arrangeait, en réalité. S'il était venu directement chez ma victime, ça se serait compliqué. Je m'assis juste à côté de lui, prête à écouter ce qu'il avait à me dire.

Si Zachary savait ce que je venais de faire, il me tournerait probablement le dos, et je ne pourrais pas le blâmer. Après tout, ce n'était pas quelque chose d'anodin, je le savais, mais cette double vie me plaisait. Mais n'était-ce pas le fruit d'un complexe ? Si je ressentais certains besoins, n'était-ce pas seulement pour compenser autre chose ? Il fallait vraiment que je fasse mon auto-portrait, avant que des profilers ne le fasse avant moi. Si je savais quelles étaient les choses qui pourraient m'identifier, je pourrais faire en sorte de diminuer leur impact. Mais pour l'instant ce n'était pas la question, mon meilleur ami avait besoin d'être rassuré. Je m'assis alors à ses côtés, pour écouter ce qu'il avait à dire. Ce cauchemar... Il m'en avait déjà parlé, il revoyait... La mort. Je ne pouvais pas lui dire que ce que je faisais pour occuper mes nuits me permettait d'affronter ça. Au final... Je combattais le feu par le feu. Pour ne pas penser à la mort de mes parents, je tuais d'autres personnes. Ma main se posa alors sur le bras de Zachary, pour le rassurer. J'avais évidemment retiré mes gants, pas besoin de couvrir mes traces en présence de mon meilleur ami !

- Ne t'en fais pas, je serai toujours avec toi, même dans les moments les plus durs. Je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit, tu le sais, tu peux compter sur moi.

Je mesurais mes mots évidemment, il était en difficulté, il fallait donc procéder avec tact et ne pas forcer les choses. La perte de mes parents, aussi horrible soit-elle, me permettait de comprendre ce que ressentait Zachary. Et malgré tout... Peut-être que la réciproque était vraie aussi. Nous avions traversé des épreuves similaires, mais avions des manières différentes de les affronter. Mais aux yeux de Zachary, aux yeux du monde, je devais faire croire que j'avais tourné la page, et que j'allais de l'avant. Le fait que je tue des gens me permettait également de garder les pieds sur Terre. J'étais pour ainsi dire habituée à fréquenter la mort.

- Je n'ai pas l'habitude de venir dans ce quartier, mais je cherchais un peu de changement, alors je suis venue ici. J'aime bien bouleverser mes habitudes. Et puis, c'est tranquille à cette heure-ci. Ne t'en fais pas, tu n'as rien interrompu.

Un sourire bienveillant, contrastant avec la personne que j'étais réellement, je gardais ma main sur le bras de Zachary, pas de pression, je ne serrai pas le moins du monde, c'était pour le rassurer toujours.  Il n'y avait pas beaucoup de gens à cette heure ci dehors, particulièrement dans ce quartier. Il ne savait pas évidemment qu'il avait bien interrompu quelque chose, mais malgré tout je l'adorais, et il avait la priorité sur mon plaisir personnel.

J'avais bel et bien interrompu quelque chose pour venir voir Zach, mais il n'avait pas besoin de le savoir. Et, malgré celle que j'étais secrètement, mon meilleur ami avait toujours la priorité, c'était comme ça. Il avait toujours ces cauchemars qui le hantaient, concernant la mort de son amour secret. J'étais lesbienne tout autant qu'il était gay, mais ça ne nous empêchait pas d'être proches. Une proximité qui s'était développée avec le temps, à tel point que nous étions quasiment fusionnels. Quand l'un d'entre nous allait mal, l'autre était toujours là pour le soutenir, comme un frère et une soeur, et ce lien ne pourrait être détruit que par l'autre moi, celle qui prenait plaisir à tuer tous ces gens. Ma manière bien à moi de porter le deuil, Mais dire que j'ai totalement oublié, éclipsé la mort de mes parents ne serait que mensonge, j'étais encore marquée par cet accident, j'arrivais cependant à m'en écarter lorsque je commettais mes méfaits. Alors que je cherchai à le rassurer, Zachary me remercia, je me mis à sourire de manière rassurante.

- C'est normal, on se soutient !

Je me concentrais sur Zachary, l'heure n'était pas à se disperser dans de multiples pensées, c'était son instant, notre instant, et il était hors de question de le gâcher. Chaque fois que j'étais avec lui, je me disais que rien de mal ne pouvait nous arrêter, tel Zachary et Mary contre le reste du monde. Nous pourrions décrocher la lune à deux, et il était hors de question que je l'abandonne.  Justement, il me posa cette question et je baissai brièvement les yeux avant de me ressaisir. Mais, malgré tout, je ne devais pas lui mentir, je devais lui dire cash, mais je savais qu'il faudrait que je pèse mes mots.

- Ne t'en fais pas Zachary, moi aussi j'en fais encore des cauchemars. C'est un traumatisme, ça ne peut pas nous quitter comme ça. Mais, même si c'est difficile, on a le choix, le choix de ne pas affronter ça seuls. C'est pour ça aussi que nous avons besoin d'un de l'autres. Au final, on est les seuls à pouvoir nous comprendre. Les gens qui n'ont pas vécu ça pourront essayer, mais jamais ils n'y arriveront. T'en fais pas, je serai toujours là pour toi, quoi qu'il arrive.

C'était un moment d'émotion, et notre lien nous permettait de pleurer, de lâcher ce qu'on avait à dire sans que personne ne nous juge. Entre nous, c'était total soutien, quelque soit la raison. Mais j'appréhendais toujours le risque que Zach découvre mes macabres habitudes. Pour l'instant il n'en était pas là, mais plus le temps passait et plus le risque était grand. J'avais su brouiller les pistes ce soir, mais mes excuses ne marcheraient pas indéfiniment. Zach se montra plutôt satisfait de savoir que je n'avais rien interrompu pour venir le voir, je souris alors, amusée, tandis qu'il prétendait qu'il m'avait pour lui seul.

- Et maintenant je t'ai pour moi aussi !

Détendre l'atmosphère, c'était une bonne idée. Pour oublier les tracas, rien de tel que de s'amuser. Nous montâmes tous les deux sur son vélo. Un peu illégal, mais mon casier judiciaire -et les actes pour lesquels je n'avais pas été arrêtée- comportait des choses beaucoup plus "hors la loi". La distance parcourue était mince, mais l'essentiel était l'amusement.

- Oui, amusons nous !

Une fois le vélo arrêté, je descendis, pour le soulager un peu du poids que je lui faisais porter. Je regardais alors autour, voir s'il y avait quelque chose pour s'amuser dans le coin. Tout semblait cependant fermé par ici.

- Tu veux qu'on bouge ? Qu'on aille dans un coin plus animé, ou tu veux qu'on reste entre nous ?

La question qui allait influencer la soirée, je laissais le choix à Zachary, puisque je m'adapterais à ses choix. Il y avait toujours plusieurs possibilités, mais dans un coin désert comme celui-ci, il n'y avait pas grand chose à trouver. A voir si mon meilleur ami préférait cet instant entre nous, ou si un autre endroit pourrait lui faire oublier ses soucis.[/color]

Parfois, Zachary me parlait de Matthéo. Lui comme mes parents, était mort dans un accident de voiture.  Je me souvenais de la réaction de Zach, qui restait enfermé chez lui. Cela dit dans ce genre de moment, rester seul était très mauvais, je parlais en connaissance de cause. Je ne l'avais jamais abandonné, comme il ne m'avait jamais abandonnée. Nous étions toujours là l'un pour l'autre, et la confiance était réciproque. Alors que j'avais proposé qu'on aille s'amuser, Zachary préféra visiblement un endroit peu amusant, mais je décidai de l'accompagner, quel que soit cet endroit. Nous remontâmes alors sur le vélo et Zachary m'emmena là où il voulait aller, et je compris bien vite où nous allions.

- ne t'en fais pas pour le côté amusant, si c'est important pour toi, ça l'est pour moi.
Le cimetière était désert à cette heure-ci, et verrouillé. Cela dit, je m'étais débrouillée pour entrer chez quelqu'un et le tuer, le verrou d'un cimetière ne me faisait pas peur. Et visiblement ça n'intimidait pas non plus Zachary.

- Je comprends, le moment parfait pour se recueillir sans être dérangé.

Le cimetière était un lieu de calme, de paix, où les morts reposent en paix et où il est toujours possible de rendre visite. C'était mieux qu'une tombe anonyme, plus respectueux. Malheureusement certains n'avaient pas la possibilité d'organiser un enterrement en bonne et due forme, faute de moyens financiers. Mais d'un autre côté, je me posais rarement cette question par rapport aux gens que je tuais. Cela dit, je respectais vraiment Matthéo, même si je ne l'avais pas très bien connu. Il avait rendu mon Zachary heureux, c'est ce qui comptait vraiment. Maintenant il était mort, et Zachary en avait souffert, mais ce n'était pas sa faute. Il y avait toujours un autre connard pour conduire comme un pied. Comme pour mes parents.  Nous descendions alors du vélo pour se rendre à l'entrée du cimetière. Zachary en profita pour cacher son vélo, que personne ne le vole.

- Je te suis !

Nous allions entrer, et je laissai alors Zach me guider, étant donné que je ne connaissais pas l'emplacement de la tombe. Comme prévu nous étions seuls.

Nous entrâmes dans le cimetière. Je ne savais pas combien de personnes étaient enterrées ici, mais peut-être que certaines de mes victimes y reposaient, en fait je n'y pensais pas souvent, je ne fréquentais pas non plus beaucoup les cimetières malgré la mort de mes parents, je savais qu'ils auraient détesté que je leur rende visite. Ils auraient voulu que je continue ma vie, que je passe à autre chose, que je les rende fiers de moi. Seulement, je n'étais pas aussi forte qu'ils le pensaient. D'abord, je n'avais pas su résister à l'envie de vengeance, et maintenant je cédais à l'appel de la mort. Pas la mienne, je n'avais même pas évoqué l'idée du suicide, non... Mon deuil, je le vivais en le provoquant à d'autres. Zach s'arrêta, je suivis donc le mouvement. Il prit alors ma main, je le laissai faire, tout ce qui pouvait l'aider, je le ferais. Je n'avais jamais rencontré officiellement Matthéo, peut-être aurais-je dû le rencontrer. Parfois, on se rend compte qu'après la mort, que c'est trop tard. C'est une bonne leçon: ne jamais laisser passer les opportunités quand elles se présentent, ça me serrait un peu le coeur de savoir que je n'avais jamais rencontré l'amour de Zachary. C'est un regret que je pouvais avoir.

Je maintenais le silence, je laissais Zachary tranquille, tant qu'il en avait besoin. Ce n'était pas un moment où il fallait casser le calme ambiant, qui était important. Moi en tout cas, j'avais quand même besoin de moments pour moi, et je sentais que ce moment était pour Zachary, donc je n'intervins pas. Je le laissai me présenter. J'ai vraiment peu de regrets, mais ne pas avoir connu Matthéo en était un, car je m'estimais proche de Zachary, et je n'avais jamais parlé à celui qui occupait son coeur. Par contre, je ne réagis pas, mais je me disais que s'il y avait un au delà, mes victimes devaient être amères quand Zachary me qualifia de "fille géniale". Mais aucun ressentiment extérieur. La première fois qu'il amenait quelqu'un ici, et c'était moi.

- Je...

Il fallait que je trouve les bons mots, je savais que certains termes pouvaient froisser, même quand c'est pas voulu. Je me mordis la lèvre.

- Je ne sais pas quoi dire, en fait...

Je n'avais pas les mots, je ne savais pas ce qu'il fallait dire, puisqu'en effet, je n'étais pas habituée à rendre visite à des morts. Et puis je ne voulais pas froisser Zachary, je gardais donc le silence ensuite. Parfois, le silence est le meilleur des hommages, d'où les minutes de silence dans les stades. Je restais donc là, sans rien dire, à observer la tombe, et malgré moi, une larme coula sur ma joue, j'étais triste pour Matthéo, mais des souvenirs douloureux de la mort de mes parents refirent surface. Moi qui voulais souvent paraître forte, j'étais là dans une situation où je rendais plusieurs hommages à la fois... Matthéo, mes parents... Trois vies brisées et pourtant, j'en avais brisé tellement plus, mais là, j'étais incapable de résister.

Ce n'était pas un lieu où les mots avaient un pouvoir spécifique. Parfois, la meilleure chose était justement de rester silencieux. Nous étions en plein dans ce cas là. J'avais beau avoir déjà envoyé des gens au cimetière, voir mon meilleur ami comme ça me serrait le coeur. Et puis, le réconforter ne servirait à rien, j'étais bien placée pour le savoir. Le réconfort était inutile, la personne triste ne se sentant pas mieux, et dans ce genre de moment on a pas besoin, ou pas envie de parler. Pourtant, détendre l'atmosphère pouvait parfois aider, en racontant des souvenirs agréables par exemple. La nostalgie était l'une des conséquences de la perte d'un être cher, partir dans le passé afin de revoir les visages, réentendre les voix, ressentir leur présence.

- J'espère vraiment qu'ils sont heureux là où ils sont. Mes parents mériteraient d'aller au paradis, je pense que Matthéo aussi, il avait l'air d'être quelqu'un de bien.

Et encore un regret, le regret de ne pas avoir connu Matthéo. Pourquoi n'avais-je pas cherché à le connaître ? Sans doute parce que j'avais souvent voulu les laisser tranquilles lorsqu'ils étaient à deux. Leur laisser leurs moments à eux. Pour ma part je n'avais jamais été amoureuse, je savais juste que Zachary, en présence de Matthéo, était des plus heureux et je n'avais jamais voulu gâcher ça. Pas de jalousie ou d'envie non, j'avais toujours aimé voir Zachary heureux. En voyant ma tristesse, Zachary m'aida à m'asseoir devant lui, il passa alors ses bras autour de mes épaules et embrassa l'une d'elles. A la supposition de Zachary, je lâchais un petit rire triste.

- J'en suis sûre ! Et la série ne fait que commencer. Ne t'en fais pas, ils ne vont pas s'ennuyer avec nous !

Il fallait bien continuer à vivre, et être heureux serait le meilleur hommage à leur rendre. Cependant, mes parents, en réalité, ne devaient pas être fiers que leur fille soit devenue une tueuse en série. Bref, je fixais la tombe. Je laissai à Zachary le soin de choisir le moment où nous nous relèverions. Après tout, partir comme ça ne serait vraiment pas respectueux. En attendant, je restais blottie dans ses bras.