Il doit rester quelques rêves d’enfant cachés sous mon oreiller, je tenterais de ne pas les écraser avec ma tête lourde de soucis d’adulte.

Je soupire profondément. Putain mais qu’est-ce que je fous là au juste ? J’ai pas envie de parler, laissez-moi tranquille. J’ai que sept ans, j’ai pas besoin de votre psychologie à deux balles ! ça fait plus d’une demi-heure qu’on est là. « Gabriel, si tu ne veux pas me parler de toi alors dis-moi, est-ce qu’il y a déjà eu quelqu’un qui a compté pour toi ? » Ma gorge se serre. Merde, je m’y attendais pas à celle-là. Il est plus malin que je ne le pensais le psy. Je croise les bras sur mon torse. Je ne l’avouerais jamais mais en cet instant je suis effrayé. Car oui il y a quelqu’un. Elle hante mes nuits, Cassie. Dans un murmure je prononce son nom. « Cassie tu dis ? Et c’est qui Cassie ? » C’est ma sœur ducon je manque de hurler, préférant finalement m’enfermer dans un silence. On m’a forcé à voir un spécialiste à l’orphelinat. Sois disant parce que j’ai un comportement violent et instable. Ce qu’ils savent pas c’est que j’ai de qui tenir.

Je suis né à Los Angeles. Alors que je n’ai que deux ans et que je suis encore bébé Cassie voit le jour. J’ai très peu de souvenirs de ces années-là comme tout le monde j’imagine, on était que des gosses. Ce dont je me souviens bien par contre c’est la descente aux enfers, les cris et les coups qui me hantent encore aujourd’hui. Mon père battait ma mère. Chaque nuit, inlassablement alors qu’il nous croyait endormis Cassie et moi. Ma mère, c’était une junkie, une bonne à rien comme il aimait l’appeler. J’avais mal pour elle. Je voulais la défendre mais j’en étais incapable, il me faisait trop peur. Je le comparais à un géant tant il avait une carrure impressionnante. Elle, ma mère, avait dû être belle un jour avec ses cheveux d’anges mais la drogue l’a bouffée, comme elle me bouffe moi aujourd’hui. C’est d’elle que je tiens cette tare, quand j’étais à la maison elle laissait toujours traîner quelques joints. A l’âge de six ans je fumais déjà. Peut-être que cette connerie aurait ma peau un jour comme elle a eu la sienne. Ma mère est morte d’overdose et alors que je trouvais déjà ma vie merdique et que j’avais l’impression d’avoir déjà cinquante ans la situation n’a fait qu’empirer. Mon père a reporté sa violence sur nous. Ou plutôt sur moi. Je faisais tout pour être celui qui prenait tout, je ne voulais pas qu’il s’en prenne à ma sœur. Le soir je rejoignais Cassie pour la bercer et la rassurer de belles paroles. Je lui promettais un avenir meilleur, que nous partirions tous les deux, que je prendrais soin d’elle. Quand il venait me chercher dans mon lit je me crispais toujours malgré moi. Je savais qu’il allait recommencer. A me battre mais aussi à me caresser. Et ce sourire pervers qu’il avait aux lèvres alors qu’il me faisait me déshabiller et me retourner, je m’en souviendrais toute ma vie. Je m’interdisais de crier pour ne pas réveiller Cassie mais je pleurais beaucoup. Aujourd’hui encore je fais encore ce cauchemar, je le vois s’approcher de moi et je ne veux plus subir ça.
Un soir je suis rentré plus tard que prévu après l’école. Il était temps, nous devions partir au plus vite Cassie et moi. Je suis allé nous acheter des billets de train pour San Fransisco. Cette ville me paraissait parfaite pour un nouveau départ, avec la mer, le Golden Gate Bridge, j’avais vu des photos sur un magasine et cette destination m’avait laissé rêveur. Je soufflais enfin un peu plus sereinement à l’idée de partir et commençais à réfléchir à un plan pour sortir en douce cette nuit quand j’ai passé la porte de la maison. J’ai tout de suite senti que quelque chose n’allait pas. Il régnait ici comme un silence de mort. Et je ne croyais pas si bien dire. Je retrouvais ma sœur le visage violacé, comme si elle avait été étranglée et mon père sur le plancher, en sang, un flingue à la main. J’étais seul. Et on m’avait privé de mon unique raison de vivre, de mon rayon de soleil. Cassie. Les autorités m’ont retrouvé le lendemain alors que je serrais encore le corps sans vie de ma sœur. Elle avait à peine 5 ans...

J’avais déconné nous aurions dû partir plus tôt ou alors j’aurais dû sécher les cours pour préparer notre voyage afin de ne pas rentrer en retard ce soir-là. Cassie pardonnes moi je t’en supplie. Je ne me suis pas assez battu pour toi. Je sens mes poings ce serrer à ce souvenir et le psy semble le remarquer. « Très bien… et tu as des amis ici à l’orphelinat depuis que tu es arrivé il y a deux trois mois? » « J’ai Julian et Caleb. »