C'est par hasard que je réussis à apercevoir le léger rouge qui monte au joue de ma chauffeuse. L'ai-je gênée ? Peut-être n'est-elle pas habitué à recevoir des compliments, mais cela m'étonnerais énormément. Une aussi jolie demoiselle, elle doit avoir nombre de prétendants ! Toutefois, une ombre de frustration passe dans son regard. La circulation  ? Moi ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? Heureusement, cette étincelle disparaît rapidement et elle rit. Tiens donc ! Quel joli rire ! Cette femme est bien étrange !

"D'accord, j'avoue, je ne vous connais pas et j'ai rien contre vous", ajoute-elle, le visage radieux.

Nous nous stationnons dans un parking, celui de l'hôtel de ville, et j'aimerais bien savoir pourquoi. Ce n'est quand même pas déjà terminé ? Merde, j'ai encore un bon bout à marcher avant d'être rendu chez moi. Bah, je vais surement aller essayer ce café que j'ai vu hier dans le coin, ça me fera passer le temps. Je n'arriverai jamais à me coucher aussi tôt ! C'est quand même dommage, j'aime bien cette fille. Je l'aurais invité à venir prendre un café, mais... Elle a l'air épuisée. Je lui souris lorsqu'elle se présente enfin.

"Et moi Liam, enchanté !" Je rajoute, "Je vous aurais bien invitée à venir prendre un café pour vous remercier, mais comme vous avez l'air prête à vous effondrer de fatigue, je vais me contenter de vous souhaiter bonne route et de vous demander d'être prudente sur la route, j'imagine."

Et c'est vraiment dommage.

Je souris largement. C'est plus fort que moi, je suis étrangement très heureux de l'invitation de Lexy. Il y a longtemps que je n'ai pas socialisé avec qui que ce soit. Très longtemps. Bizarrement, ce n'est pas le sexe ou un truc du genre qui me motive à me rapprocher de cette brebis innocente, c'est la promesse d'une amitié et d'une personne à qui parler. C'est vrai que ma vie est plutôt solitaire. C'est vrai qu'en dehors du travail, je n'ai pas eu de conversation détendue et agréable depuis...  longtemps. C'est vrai. C'est aussi vrai que je m'inquiètes pour elle. Je serais plus rassuré de la suivre jusqu'à chez elle, pour m'assurer qu'elle ne s'endort pas au volant. Qu'elle ne se tue pas dans un stupide accident de la route facilement évitable.

"Je suis partant à cent pourcent ! Je serais plus rassuré de vous raccompagner chez vous, comme ça, si vous vous endormez au volant, nous mourrons ensemble !"

Je regarde attentivement Lexy. Elle a l'air de se demander si elle va regretter son invitation. Le regrettera-t-elle ? Je ne sais sincèrement pas. Après tout, je ne suis pas quelqu'un de très recommandable...  Je ne lui ferais pas de mal, mais j'ai de nombreux ennemis et concurrents, de fait de mon métier. J'espère juste qu'elle n'aura pas à regretter notre rencontre...

"Au fait, Lexy, que faites-vous comme travail ? Qu'est-ce qui a bien pu vous épuiser autant ?"

Je l’imagine si bien. Cela commencerait comme suit : ‘’Oh, moi ? Je suis tueur à gage. D’ailleurs, j‘étais justement en train de faire un repérage pour mon prochain travail. Mais je te comprends, tu sais, moi aussi j’ai parfois affaire à des incompétents et c’est fou comme cela peut ralentir une exécution ! Sinon, quoi de beau dans ta vie ? ‘’ Oh oui, elle adorerait cela, je le sens. Elle hurlerait probablement comme le joli agneau innocent qu’elle semble être. Mon métier est-il si horrible ? Soyons honnête, il l’est. Mais je l’aime bien moi, alors on s’en fiche ! C’est tout ce que je sais faire, c’est toute ma vie… Si j’arrêtais subitement, que pourrais-je bien faire ? Je ne suis pas recherché –j’ai bien trop de talent pour ça -, mais je ne pourrais jamais faire un métier ‘’normal’’. Être tueur à gage, ça forge certaines habitudes, renforce certains instincts… Surtout les plus sauvages, les plus violents. De plus, à mo âge, on ne change plus. Il est bien trop tard pour moi, je suis un cas perdu depuis longtemps. Depuis le jour où j’ai tué mon premier homme en fait…

Alors, que répondre ? Pas la vérité, c’est sûr. En fait, je crois que ça dépend de ce que cette fille représente. Une future amie ? Une simple compagne d’un soir ? Je peux me permettre d’être plus franc avec une fille que je ne reverrai pas, mais pas avec une que je contacterai fréquamment. Parce que si un jour elle décidait de me vendre à la police par soucis de conscience, je serais fait comme un rat. Il est hors de question que j’aille en prison, jamais. Je ne finirai pas comme ma mère. Surtout pas comme elle.

Quand je suis partit de New York pour devenir un tueur à gage indépendant, ma mère était toujours prostituée pour le même type qui m’avait enseigné à tuer. C’est deux ans plus tard que j’ai apprit par l’entremise des journaux qu’elle et plusieurs membres de l’organisation avait été arrêtés pour gangstérisme, prostitution et vente de drogue. Elle est toujours en prison aujourd’hui. Je ne suis allé la voir qu’une fois et elle était dans un état lamentable. Je ne peux pas me permettre d’y retourner, je ne peux pas attirer l’attention sur moi, pas avec mon travail. De plus, elle est en prison de l’autre côté du pays, c’est vraiment pas la porte à côté de L.A. De toute façon, il n’y a jamais eu de lien maternel entre ma mère et moi. Une mère ne laisserait pas son enfant tenir une arme, une mère ne laisserait pas son enfant tuer pour qu’il rapporte de l’argent à la maison. Ma mère n’a amais été une mère.

Les yeux dans le vague, je cherche encore quoi dire à Lexy. Pas un mensonge, mais pas la vérité non plus.

-Hum, je travaille dans le milieu de la protection. Ce n’est pas exactement la même chose que garde du corps, mais ça y ressemble.
Je n’osai pas en dire plus. C’est vrai que je fais aussi de la protection. En plus, j’ai déjà exécuté des gens qui menaçaient la vie de mes employeurs, donc, c’était de la protection. N’est-ce pas ? Ne reste plus qu’à espérer qu’elle ne pousse pas trop loin…