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Parfois, je dis bien parfois, cela m’arrive d’inspecter mon territoire. Je pars à pieds d’un coin de la ville et arpente les rues où on trouve le plus souvent des dealers. Il ne faut pas croire que c’est amusant, ces endroit sont très souvent des ruelles crasseuses, des usines désaffectées ou d’autres places du même genre. Je n’y croise que des drogués, des imbéciles et des junkies en manque. J’y croise aussi mes hommes, mais, parfois, je croise des dealers qui ne m’appartiennent pas. Et cela m’enrage à chaque fois.

Normalement, je me contente d’envoyer un message texte à Gab ou un autre de mes hommes de confiance et ils s’occupent immédiatement de l’indésirable. Je n’ai cure de ce qu’ils peuvent lui faire, je ne tolère pas qu’on viole mon territoire. De plus, la moitié de ces dealers vendent de la vraie merde à mes clients. Souvent, ce n’est même pas ce qu’ils disent vendre. Les gens n’ont vraiment plus d’éthique de nos jours, aucun respect pour le client.

Aujourd’hui, par contre, c’est une belle journée. Je n’ai pas croisé un seul dealer qui n’était pas à moi, encore. Bon, il n’est que midi et je n’en suis qu’à un sixième de mon territoire d’inspecté, mais je ne pourrai pas tout le faire aujourd’hui de toute façon. C’est trop long, trop minutieux pour pouvoir en venir à bout en une seule journée. Mais Gab continuera demain ce que je n’aurai pu finir aujourd’hui.

Ce coin est normalement vide, je n’y poste que très rarement un vendeur parce que la clientèle s’y fait très rare. Quand nous avons un nouveau vendeur, il arrive qu’on le place ici pour qu’il s’y fasse la main. Sauf qu’on n’y a placé personne dernièrement. Pourtant, il y a bien un dealer juste là, de l’autre côté de la rue, à quelques mètres plus loin. Le temps d’attendre que je puisse traverser, je le vois vendre à un homme. J’approche sur le trottoir. Je pourrais simplement envoyer un message à Gab pour qu’il s’en occupe, mais il est en mission ailleurs aujourd’hui. Sous ma veste de cuir, dans mon holster, mon .9mm me démange. Oh, je ne le tuerai probablement pas. J’imagine. Je n’arrive pas à croire le culot que ce gamin a. Vendre sur mon territoire. Ce gamin a bien besoin qu’on lui remette les idées en place une fois pour toute.

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La fuite. Cela me fera toujours rire. Ceux qui fuient sont toujours faibles, c’est dans l’ordre des choses. S’ils étaient plus forts, ils n’auraient pas besoin de fuir. Ceux qui fuient ont toujours tort. Ils montrent leur culpabilité en fuyant, montre leur peur. J’imagine que personne ne leur a jamais dit que la dernière chose à faire devant un prédateur, c’est de fuir. La bête alors se jettera toujours sur sa piste, poussée par son instinct de traque. Et lorsqu’on fuit, lorsqu’on a peur, on finit toujours par commettre une erreur.

Ce gamin ne fait pas exception à la règle. En me voyant arriver vers lui, il a dût sentir le danger. Il devait bien entendu savoir qu’il n’avait pas le droit de faire ce qu’il faisait ici, il sait que c’est le territoire des NS. J’en suis sûr. Son attitude le déclare comme coupable, automatiquement. Et, comme le chevreuil se laisse entraîner par les loups vers la falaise où il ne pourra plus fuir, il marche droit où je veux qu’il aille. Il se glisse dans la ruelle derrière lui, une qui, je le sais, ne débouche nulle part. Elle s’enfonce plutôt loin avant de s’arrêter sur un immense et profond mur de brique qui s’élève haut dans les airs pour former un bloc appartement.

Je marche tranquillement derrière lui, le laissant me distancer sans presser le pas. Laisser la proie s’épuiser inutilement. La laisser paniquer, se rendre compte de son erreur, du prédateur qui approche alors qu’elle n’a plus aucune porte de sortie. C’est la partie la plus amusante de la chasse. Cet idiot va se rendre compte de son erreur, il va voir ce qui arrive lorsqu’on pense pouvoir tromper Shawn Crossfire. On souffre, on meurt.

Ses pas résonnent devant moi, jusqu’à ce que je les entende s’arrêter brusquement, ne laissant plus que les miens emplir l’espace. Je glisse une main sous ma veste et attrape mon fusil argenté. Avec un cliquetis métallique, je retire le cran de sûreté et vérifie que le chargeur soit bien plein. La ruelle tourne en coin, je sais que de l’autre côté de ce tournant, le jeune m’attend, probablement paniqué. Peut-être même armé. En fait, peut-être a-t-il fait exprès de venir ici pour pouvoir me tirer dessus sans témoin. Pour la même raison que je l’ai attiré ici.

D’un pas assuré, je passe le tournant, mon arme levée devant moi, prêt à tirer. Au moindre mouvement brusque, je lui fiche une balle dans la tête.

-Salut gamin, toi et moi, on va discuter.

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Je baisse légèrement mon arme avec un sourire moqueur. Ce gamin n’est ni armé, ni bien dangereux. Pas question de baisser ma garde, elle, bien entendu. Je pointe la gueule d’un fusil sur lui, face à la mort, bien des gens font des trucs désespérés. C’est aussi pour cela que je n’approche pas davantage. Ce serait me mettre à sa portée.

-Voilà, t’es intelligent, toi.

Ne pas se battre contre plus fort que sois. C’est une des règles de base dans ce milieu. Les petits poissons se fondent dans le décor en espérant passer inaperçu et les gros poissons font la loi. Ce sont les premières choses que mon père m’ait apprit. Comment se fondre dans la masse, savoir disparaître et éviter les requins. Puis, comment traquer ces mêmes requins et prendre leurs places. Comment devenir le roi de la mare, comme il disait. Le roi des crapauds, disait ma mère.

-Maintenant, si tu continues d’agir aussi intelligemment, peut-être bien que je ne te tuerai pas.

C’est vrai. Je ne suis pas menteur. Enfin… Bon, j’ai rien dit. Mais ce coup-ci, c’est vrai. Les cadavres passent bien des messages, mais pour ça, faut qu’ils soient retrouvés. Si le gamin ne fait que disparaître, son fournisseur pourrait penser qu’il s’est enfuit avec la came. Non, si je lui laisse la vie, dans mon immense miséricorde, je pourrais le renvoyer vers son patron avec un message. Une menace ou alors un rendez-vous. J’aime pas qu’on chasse sur mon territoire, mais je suis toujours partant pour élargir mon équipe si le joueur est intéressant. Je ne m’encombre pas de moins que rien par contre.

-Commence déjà par vider tes poches sur le sol. Lentement.

Moi ? Paranoïaque ? N’importe quoi ! Ou pas. Mais avec tout ce que j’ai vu… J’ai bien des raisons de l’être. Je sais d’expérience que même les gamins peuvent être dangereux. Bon, celui-là n’est plus tellement un gamin, déjà. C’est encore pire, donc.